C’est avec solennité et émotion que nous commémorons, comme chaque année à l’occasion de la Journée nationale du souvenir, la mémoire des rapatriés d’Algérie.

Le 19 mars 1962, à midi, prend officiellement effet un cessez-le-feu qui met fin à huit ans d’irréparables blessures. « Les évènements d’Algérie », comme on les appelait alors, étaient officiellement terminés. Le point de départ de cette guerre, car il faut la nommer ainsi, c’est cette date du 1er novembre 1954, que l’on appellera « la Toussaint rouge ».

Ce jour-là, plusieurs attentats orchestrés par le Front de libération nationale retentissent sur l’ensemble du territoire algérien et visent à faire entendre les revendications du mouvement indépendantiste. Dans cette nuit du 1er novembre 1954, 70 attentats frappent des symboles de la présence française en Algérie : des casernes militaires et de gendarmerie, des bureaux de poste, des bâtiments administratifs, des fermes de colons, des voies ferrées.Les moyens déployés par les indépendantistes sont faibles, mais la frappe fera malgré tout 10 morts et sera un épisode marquant du passage à la lutte armée contre la présence française.

La Toussaint rouge fera peu de bruit sur le territoire français et pourtant, c’est le début de la Révolution algérienne, qui veut mettre fin à l’occupation française et obtenir l’indépendance et la fin du système colonial. Commence alors une guerre de 7 ans et 8 mois, une guerre de décolonisation longue et douloureuse, qui provoquera, en France, la chute de la IV° république, l’avènement de la Vème, et qui marquera des générations de français.es et d’algérien.nes, rapatrié.es, appelés, harkis, indépendantistes, ou simples citoyen.nes aux vies bouleversées. Comme l’écrit Benjamin Stora, « Ce conflit a divisé non seulement les Algériens et les Français, mais aussi les Algériens entre eux et les Français entre eux ». Près de soixante ans plus tard, force est de constater que la mémoire, les mémoires, restent douloureuses, et qu’il reste beaucoup à faire, sur chaque rive, pour qu’algérien.nes et français.es regardent ces pans douloureux de leur histoire commune, et se l’approprient.

Mon père est né dans les montagnes de la haute Kabylie, il est enrôlé dans la gendarmerie en 1956. Ce n’est pas en harki qu’il est entré en France, c’est en uniforme de gendarme français. Il nous a élevé avec ma mère, en français, conscients de son histoire et de notre double identité algérienne et française. Aujourd’hui, c’est en élue de la République, indivisible et universelle, que je vous dis, avec un peu d’émotion, que nous avons, pour beaucoup d’entre nous, une histoire commune, une mémoire commune, et que ces histoires et ces mémoires attendent encore qu’on les partage.

Aujourd’hui, la France commémore des combattants et des victimes, quant au même moment l’Algérie fête une révolution. Honorons ce jour comme celui du souvenir et de la réconciliation. La mémoire nous interdit l’indifférence, nos destins nationaux sont liés.

« La solidarité internationale, c’est la tendresse des peuples » disait le poète sandiniste Tomas BORGE. C’est de cette tendresse dont nous avons désormais la responsabilité. Au-delà des anciens combattant.es, des pieds noirs ou des harkis, ce souvenir appartient à notre histoire, à nos nations et à nos peuples.

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